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Critique Film : Black Rain, 松田 優作/Matsuda Yûsaku Forever !!!

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Yûsaku Matsuda

Aujourd’hui je vais vous parler d’un film qui me tient particulièrement à cœur, non seulement parce qu’il s’agit à mon sens d’un des meilleurs polars des 80’s, mais également parce qu’il s’agit de la dernière apparition sur grand écran d’une star légendaire du cinéma japonais, un acteur qui s’apprêtait à conquérir Hollywood et qui était assurément bien parti pour bouleverser les standards d’implantation d’acteurs asiatiques dans le paysage du cinéma américain, je veux bien évidemment parler du légendaire Yûsaku Matsuda.

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Ridley Scott, sur le tournage de Black Rain à Osaka.

Nous sommes à la fin des années 80, en 1989 plus précisément, Ridley Scott, illustre grand frère de ce cher Tony, peine cependant à s’attirer les faveurs du public malgré le succès Alien, chef d’œuvre suivi d’un autre tout aussi exceptionnel Blade Runner (Best Movie Ever) ou du très injustement sous-estimé, mais non moins excellent Legend. Ridley Scott est un authentique artiste…attiré depuis toujours par les arts graphiques, il devient d’abord le réalisateur émérite de plus de 2000 spots publicitaires pour la télé britannique. C’est finalement à l’aube de la quarantaine, qu’il embrasse définitivement la carrière de cinéaste et met en scène le génial The Duellists, récompensé à raison par le prix du meilleur premier film à Cannes en 1977. Scott est un homme qui aime aller au bout des choses, quitte à ne pas les faire comme tout le monde, et tant pis si ça déplaît à certains. Ainsi pour Black Rain dont il question aujourd’hui, polar hard-boiled sur fond de pont culturel entre l’orient et l’occident, Scott n’hésite pas à imposer des acteurs japonais à la production (contre l’avis initial de ces derniers), tout en les faisant tourner dans leur propre langue originelle, chose très rare dans un film hollywoodien, encore à l’heure actuelle. Mais, quel plaisir néanmoins de voir des acteurs légendaires comme Ken Takakura, chevalier héroïque incontournable du Ninkyo Eiga (qui partageait déjà en 74, la tête d’affiche avec Robert Mitchum d’un autre excellent polar américano-japonais, Yakuza de Sidney Pollack), ou encore Wakayama Tomisaburo (frère de Shintaro « Zatoïchi » Katsu), dont la prestation la plus mémorable reste celle du « loup à l’enfant » Ogami Itto, dans l’adaptation cinéma en six volets de Kozure Okami aka Lone Wolf and Cub, tirée du célèbre Manga de Kazuo Koike & Goseki Kojima, orchestrée de main de maître par Kenji Misumi. Sans oublier donc, ce cher Yûsaku Matsuda (Ridley Scott y décèlera lors de leur rencontre, une prestance similaire à celle qu’il avait ressenti chez Rutger Hauer à l’époque de Blade Runner), figure emblématique du polar hard-boiled japonais de la fin des 70’s, mué en véritable machine à performance d’acteur dans les années 80, jusqu’à sa dernière prestation dans ce film-ci. Face à ce trio de légende, on en oublierait presque de citer le reste du casting américain tout aussi excellent, composé de 2 acteurs alors au sommet de leur carrière, messieurs Michael Douglas et Andy Garcia. Notons également la présence de Kate Capshaw, pour la petite touche féminine venant compléter ce casting de mecs (de vrais 8-)).

Bon et le film dans tout ça…eh bien j’y viens justement ma poule, te bile pas (oui la VF est assez mémorable ;-) aussi), tenez voilà déjà le trailer, dôzo onegaitashimasu

blackrain poster

Donc tout débute à New-York, où Douglas, flic dur à cuir, un peu ripou sur les bords et motard aguerri, assiste en compagnie de son coéquipier Andy Garcia, à un violent règlement de compte entre Yakuzas, perpétré par Matsuda. Finalement arrêté puis extradé au Japon, nos 2 flics sont chargés de le remettre aux autorités japonaises. Seulement voilà, à peine arrivés sur le tarmac d’Osaka, des complices de Matsuda, se font passer pour des policiers et récupère le criminel. Douglas alors accusé d’avoir sciemment libéré le détendu, se voit contraint de retrouver le fugitif, en collaboration étroite avec les autorités japonaise, en la personne de Ken Takakura.

Voilà pour le pitch, après ce qui est génial dans la poursuite de l’enquête, c’est cette immersion totale dans ce Osaka fantasmé des 80’s et plus particulièrement dans celle du quartier ultra-illuminé de Dôtonbori 道頓堀 (A noter que Ridley Scott voulait au départ situer son action dans le quartier « chaud » Kabukichô 歌舞伎町 de Shinjuku à Tokyo), le tout constamment magnifié par la photographie de Jan de Bont. Film contemporain à sa sortie, le métrage, à défaut de nous dépeindre un Japon à l’atmosphère urbaine réaliste (qui lorgne davantage vers celle d’un Blade Runner une fois encore, mais ceci n’est pas pour me déplaire, bien au contraire), vieillit néanmoins superbement bien, devenant même avec le temps, un fabuleux témoignage de l’atmosphère cinématographique 80’s de son époque, dont il suffit simplement de lancer la bande ou le disque dans son lecteur, pour s’y replonger instantanément. Par ailleurs, le film évite soigneusement de tomber ou plutôt détourne de manière assez maligne, l’écueil des éternels clichés de l’étranger (bourrin) qui découvre une autre culture…Les préjugés étant ici, non pas montrés de manière unilatérale, mais bien du côté des 2 points de vue, américain comme japonais, sans pour autant qu’à la fin les valeurs américaines ne soient davantage mises en avant, c’est même plutôt l’inverse. Choses plutôt rares encore une fois pour un film hollywoodien, souvent soulignées dans les dialogues par une certaine touche d’humour pince sans rire…

blackrain18Néanmoins, la relation d’amitié qui se crée entre Douglas et Takakura, est loin d’être si évidente à discerner que ça, leurs rapports restant la plupart du temps assez tendus, on pourrait presque parler d’une perpétuelle confrontation dont l’amitié va se forger dans le respect progressif du face à face avec l’adversaire, à ce titre elle s’apparente presque à celle que l’on retrouve dans la philosophie martiale.

Un petit mot également sur le superbe score musical de Hans Zimmer, qui reste assurément l’un de ses meilleurs, 1er d’une longue et fructueuse collaboration avec Ridley Scott. A ce sujet, je me trouvais justement au Japon, lors de la triste annonce du décès de Ken Takakura en novembre dernier et je dois avouer qu’entendre le thème de Black Rain diffusé à travers les rues marchandes pour rendre hommage à l’acteur, ça fait quand même son petit quelque chose.

Pour en revenir au film, ce qui le rend à mon sens particulièrement intéressant et mériterait de le hisser définitivement au rang d’œuvre culte, c’est, comme souvent avec les films de Ridley Scott, de posséder différents types de montages qui, comme ce fut le cas pour Blade Runner pendant longtemps, ont toujours laissé planer le doute sur le réel montage final voulu par son auteur. Je vais pas mal spoiler à partir de maintenant dans cette partie, donc si vous n’avez pas vu l’une des versions du film, je vous déconseille de lire. blackrain26Officiellement, deux montages du film existent. Tous deux présentant chacun une fin différente… Il y a tout d’abord, celle que j’ai longtemps connu pendant de très nombreuses années, où le personnage de Matsuda meurt à la fin empalé par celui de Douglas. Puis une autre plus récente, où la fin de leur affrontement est coupée, laissant place à la mise aux arrêts du perso de Matsuda renvoyé en prison, sans qu’on ait pu voir le dénouement de son arrestation (cette seconde fin sonnant davantage comme une marque de respect, à l’égard du défunt acteur). Cependant, on sait également qu’un troisième montage du film existe, puisqu’à l’origine une version de 160 minutes fut montrée aux producteurs, qu’ils raccourcirent ensuite de près de 40 minutes, lors de sa sortie en salles. En hommage à l’acteur, une version longue du métrage aurait également été exceptionnellement diffusée à la TV japonaise lors de sa 1ère diffusion, mais n’ayant pas trouvé de confirmation formelle de cette information-ci, je préfère la laisser au conditionnelle (même si j’aime à croire qu’elle existe). Quant à l’actuel Blu-ray japonais, il présente actuellement le même montage que la version internationale. Malgré tout, si le montage d’origine dort encore dans les nombreux sous-sols d’archives Hollywoodiens, il n’est pas impossible que cette version refasse un jour surface (du moins je l’espère grandement).

Néanmoins, on peut supposer que si Yûsaku Matsuda se trouvait encore parmi nous à l’heure actuelle et avait pu gravé son empreinte dans le cinéma hollywoodien comme il s’apprêtait à le faire, le film jouirait certainement aujourd’hui d’une tout autre popularité. Quoi qu’il en soit, je ferai mon possible pour vous faire découvrir au gré de futurs chroniques d’autres rôles mémorables de cet acteur exceptionnel. Black Rain demeurant une parfaite introduction à la filmographie de cette légende, doublé d’un haletant polar hard-boiled, à la virtuosité visuelle comme seule la filmographie de Ridley Scott arrive à nous en montrer.

 

Merci de m’avoir lu,

En espérant vous avoir donné envie de découvrir ou redécouvrir, cet pelloche gaijin 外人 des 80’s.

Sayonara, Bye bye !!