Critique Film : Blackhat ( Hacker ), The Mann Made In 香港 !!!
Lorsqu’un nouveau film de Michael Mann sort en salles, c’est toujours un évènement cinéphile à ne pas manquer ! (Oui enfin, pour peu qu’une salle le projette… 😕 )
Et puisque notre homme, a cette fois-ci décidé de poser ses valises en Asie, voilà une raison amplement suffisante pour le suivre dans ses pérégrinations. (Avouez que le combo 😎 Mann/Hong Kong c’est quand même un gros fantasme de cinéphile qui se réalise).
Un film de Michael Mann, c’est à chaque fois la promesse d’une nouvelle expérience sensorielle, une vision autre du cinéma, voire exigeante pour un non initié, mais qui une fois ces barrières tombées nous emporte vers de véritables sommets artistiques.
Bienvenue dans la matrice Manniène…
J’ai mis la bande-annonce mais je ne vous encourage pas spécialement à la regarder, tant elle ne reflète absolument pas l’esprit du métrage. D’ailleurs j’espérais sincèrement trouver autre chose en allant voir le film (du Mann quoi) et fort heureusement je n’ai pas été déçu.
Donc si vous vous attendez à voir un film dit de ‘hacking’, où des mecs passent leur temps à s’affronter sur leur pc en se balançant des virus à la gueule…vous pouvez clairement passer votre chemin. La cybercriminalité chez Mann, lui sert juste ici de toile de fond, prétexte à développer un magnifique drame humain et y injecter toutes les thématiques chères à son cinéma, afin de nous livrer un flamboyant thriller romantique.
Oui et donc inutile d’ajouter que le titre français renommé Hacker 🙄 , est lui aussi complètement aux fraises.
En fait, mis à part le 1er quart d’heure qui permet de poser un minimum l’intrigue, avec le jargon technique (chiant) pour crédibiliser un minimum le postulat de départ, après tout le reste passe crème et monte crescendo tout du long, jusqu’à son final magistral à Jakarta. Mann a eu bon nez d’évacuer tout ça dès le début, de façon à pouvoir immédiatement passer à ce qui l’intéresse vraiment…à savoir, lâcher son fauve en pleine jungle.
Dit comme ça, le début peut paraître bien lourdingue, mais en fait non…
Déjà la séquence d’ouverture file grave le smile, avec une plongée totalement immersive (au charme typiquement 90’s) dans les plus profondes entrailles du réseau… (dans l’idée, c’est un peu comme si Tsui Hark hackait une séquence de 2001) 😎
Les perso sont ensuite présentés tour à tour, 2-3 scènes pour faire un topo rapide de la situation,… (en plus c’est filmé avec classe (Mann oblige), y a toujours une idée visuelle ou sonore pour aider à faire passer l’info)…d’ailleurs on sent bien que notre réal lui-même n’est pas passionné par ce que ça raconte et trépigne juste d’impatience de pouvoir enfin faire entrer son héros dans la partie.
Je comparais un peu plus haut Chris Hemsworth à un fauve…il faut savoir que les personnages Mannien sont la plupart du temps, épurés au maximum de toute caractérisation superficielle, au point de n’en garder que la substance brute de leurs émotions, voire primaire ou animale. Chose qui ne les empêche pas au demeurant, d’apparaître comme des personnes infiniment complexes et profondément humaines. Ici notre mâle s’apparente à un lion, un lion qu’on aurait jeté en cage, évincé de son trône de roi de la jungle, attendant patiemment d’être remis en liberté. Charismatique en diable, fin limier, traquant sa proie en affutant son instinct, voilà le héros mannien dans toute sa splendeur.
On assimile souvent les héros de Mann à des solitaires…personnellement je pense qu’ils sont plutôt comme le dit De Niro à sa future conquête dans Heat « Je suis seul…je ne suis pas solitaire »…ils sont seuls, voilà. Leur choix de vie les amène à faire cette concession, mais ce n’est pas une condition qui les satisfait pour autant. Ce dilemme émaille toute la filmographie du réalisateur et se retrouve une fois de plus au centre des enjeux de Blackhat. Certains trouveront certainement que la romance entre les deux protagonistes arrive comme un cheveu sur la soupe, (ce n’est même pas du spoil) tant elle arrive tôt dans l’histoire (mais apparaît pourtant au parfait timing) et se révèle en fin de compte, comme étant l’enjeu majeur du récit.
Comme souvent dans le cinéma asiatique et plus particulièrement japonais, les sentiments et émotions dans le cinéma de Mann se transmettent avant tout par des silences, des non-dits ou des échanges de regards…suggérer en dit chez lui bien plus que des mots. Ici l’attirance est palpable dès les premiers instants, on peut également subodorer que les personnages se connaissent déjà indirectement (via le protagoniste chinois, interprété par le chanteur/acteur Lee-Hom Wang, ami du héros dans le film et frère du personnage féminin) ayant pu parler de l’un ou l’autre lors de conversations ou échanges de photos. La romance s’impose donc ici d’elle-même, Mann préférant non pas s’attarder sur la naissance de leur relation, mais plutôt sur les épreuves que va devoir traverser leur vie de couple. Cette façon de précipiter la romance, vient aussi du fait que les personnages savent que le temps leur est compté…ne sachant pas s’ils auront à nouveau l’occasion, à l’approche du lendemain, de profiter d’un autre moment de liberté.
Puis, voilà l’avion qui décolle de nouveau et il est déjà temps de partir pour…pour…Hong Kong !!! 香港 !!!!!!
Non, mais laissez tomber (mmh sai laa comme ils diraient en cantonais ) cette ville est trop magique !!!
–> En plus The Mann ne va pas te faire un Hong Kong de carte postale…non, il te le filme à la Hongkongaise, avec des plans bien underground à la Ringo Lam, sans oublier pour autant de magnifier la ville comme le ferait un Johnnie To. Nan, mais ce bonheur pour les yeux, merci !!! Merci Michael Mann !!! Reste en Asie s’il te plaît, de toute façon aux US ils ne savent visiblement pas apprécier tes films, alors à quoi bon te fatiguer eux ?! Jamais trop compris cette façon de casser la hype d’un chef d’œuvre pour finalement le réhabiliter 20 ans après 🙄 … En plus le film propose une intrigue totalement encrée dans notre époque, filmée qui plus est avec les dernières technologies du moment…donc j’aimerais bien comprendre comment certains peuvent voir du kitsch dans une œuvre qui pète la classe et qui est visuellement à la pointe de tout ce qu’il se fait actuellement. Blackhat c’est le genre de futur classic qui pourrait déclencher des vocations de réal, mais quand tu vois l’accueil et les chiffres catastrophiques qu’il se paye au Box-Off, ça te refroidit direct. On critique de plus en plus le fait de faire appel à des Yes Man, plutôt que d’employer des gars avec une réelle patte artistique, mais avec ce genre de résultat faut pas s’étonner !! C’est en continuant d’ignorer ou mépriser les sorties de films comme celui-ci, qu’on finira par tuer le cinéma artistique à gros budget. J’espère que l’artiste visionnaire qu’est Michael Mann est conscient d’avoir réalisé un taf formidable, parce qu’il mérite de biens meilleurs égards que ceux reçus pour son film.
Quelques mots maintenant sur le casting, absolument impeccable de A à Z, aussi bien dans ses premiers rôles, que pour ses personnages secondaires voire tertiaires. Je vais encore devoir dire du bien de Michael Mann, mais en plus de tout ce qui a déjà été dit plus haut, c’est également un directeur d’acteur hors-pair. C’est simple, à chaque fois que des acteurs jouent dans ses films, on dirait que leur jeu est transcendé. Hemsworth qui est censé être un minimum iconique dans les films Marvel de part son interprétation du personnage de Thor, n’a jamais été aussi bien iconisé que dans Blackhat. Je me suis même demandé si c’était bien lui à certains moments tellement il débordait de charisme 😯 . Quant à sa partenaire à l’écran, la sublime Wei Tang, dont la sulfureuse prestation en 2007 dans Lust Caution d’Ang Lee, lui a valu bien des problèmes en Chine, on est bien content de la revoir à nouveau sur le devant de la scène, d’autant plus qu’elle est ici parfaite, dans ce rôle nuancé de femme à la fois forte et émouvante. Bien que plus en retrait, le reste de la distribution parvient tout à fait à se faire une belle place au sein du récit. De Lee-Hom Wang à Viola Davis, en passant par le personnage du Marshall jusqu’à celui du bad guy de service, tous arrivent à retenir notre attention (au détour d’une réplique ou d’un regard, les humanisant ainsi immédiatement à nos yeux), chose assez rare pour des rôles ‘fonctionnels’, qui en temps normal n’attireraient même pas notre attention. L’empathie ressentie pour les personnages est d’ailleurs d’autant plus paradoxale, que le film traite à l’opposé d’une menace invisible, abstraite, totalement désincarné et déshumanisé au possible. Encore un atout supplémentaire qui vient renforcer les nombreuses qualités artistiques du métrage.
J’ai volontairement omis de vous parler des scènes d’actions pour ne pas vous en gâcher la découverte… je dirais donc simplement que les amateurs de fusillades hard boiled seront bien servis 😉 .
Si vous connaissez et appréciez le cinéma de Michael Mann, le film a tout pour vous offrir une grande expérience cinématographique. Fidèle au cinéma de son auteur, ce nouveau chef d’œuvre est une fois encore parfaitement cohérent avec le reste de la filmographie de ce dernier, tant ses thématiques visuelles, sonores et narratives font ici échos aux précédentes œuvres du réalisateur, comme si toutes se répondaient entre elles. Voir un James Caan, un Val Kilmer ou une Gong Li débarquer dans le film ne nous étonnerait même plus (assister à un Ultimate Mann’s Movies crossover, ce serait du rêve <3), tant les films semblent tous encrés dans le même univers. Atmosphère dans la veine de Miami Vice, montée en puissance rappelant celle du Dernier des Mohicans, portrait d’un anti-héros esseulé dans la lignée de Thief et Heat… Blackhat est la nouvelle déclinaison fascinante de la recette miracle de son auteur, dont de nombreux cinéphiles risquent assurément de reparler encore, pendant bien des années.
Merci de m’avoir lu,
En espérant vous avoir donné envie de découvrir ou redécouvrir, cette pépite passée sous le radar.
Sayonara, Bye bye !!